
Mis à jour le 26 novembre 2018
| Antarctique , Blog Voyage , Tour du Monde
Publié le 9 octobre 2011
Intarissable. Cet homme est intarissable. Surtout si on lui demande de raconter ses aventures polaires. L’Arctique et l’Antarctique. L’un au Nord, l’autre au Sud. Il n’a pas touché les pôles mais il les a approchés, à bord du voilier d’expéditions Tara. Et ce qui est agréable avec Vincent, c’est qu’il est comme nous. Pas un aventurier qui va braver les éléments ou monter des sommets pour accomplir un exploit. Non, plutôt un gars simple à la bonhomie communicative, qui veut vivre des aventures. Et s’en donne les moyens. Mais de préférence avec un appareil photo à la main, comme en témoigne le livre de photos* noirs et blanc qu’il a tiré de ses périples polaires. Ces voyages dont il nous donne quelques bribes, entre deux embarquements.
Tout d’abord il faut déjà se rendre sur le voilier, qui était pris dans les glaces… Je suis donc monté à bord d’un avion à Longyearbyen, dans les îles Spitzberg. Là-bas, tout dépend du temps. Trois heures de vol pour rejoindre le voilier mais jusqu’au dernier moment, tu ne sais pas si tu pourras atterrir sur la banquise… Un quart-d’heure à peine avant d’arriver sur le point GPS où se situait Tara, on a su qu’on pouvait descendre et se poser. Et là, tu es à la fois pris par l’excitation et l’inquiétude. Tu te dis : qu’est ce que je vais faire dans cette galère ?! J’avais jamais vu ni la banquise ni la nuit polaire et j’avais trois mois et demi de nuit polaire devant moi !
Oui. On atterrit sur une piste d’environ 400 mètres, le pilote coupe les moteurs et là, c’est le silence absolu : tu as les oreilles qui sifflent car il n’y plus aucun son. Il n’y a plus de reliefs, plus d’arbres, tout est plat, légèrement relevé par des petites cassures de glace ressoudée. Il y a eu ce moment où le cerveau est perturbé. J’étais un peu perdu… Et puis la vie a repris son cours et on a rejoint le bateau. C’était totalement nouveau et inimaginable, avant de l’avoir vécu. On est à 200 km du Pôle Nord, en-dessous il y a l’océan qui fait 4 000 m de fond. Et là, tu te dis : on est vraiment dans la grande aventure…
Oui, c’est clairement une adaptation. S’habiller autrement d’un coup, faire gaffe à des choses qu’on connaît même pas, être vigilant sur d’éventuelles gelures,… On absorbe plein d’infos capitales pour pouvoir vivre correctement dans un environnement totalement nouveau. Il y a une adaptation physique. Et on a manipulé beaucoup de choses, on a travaillé à mains nues. Mon corps a vraiment changé durant cette expédition et j’ai perdu quinze kilos ! Il y a aussi une certaine lenteur, car c’est dur de travailler dans le froid. Quand il fait -40°C dehors avec du vent, c’est dur sur le plan musculaire notamment. Et on a beau avoir un super équipement, à un moment on a froid aux extrémités des mains. Il y a des moments où on passe vingt minutes dehors, on a de la glace partout, on rentre dans le bateau, on boit un thé et on dormirait presque sur place !
Pour l’Antarctique, c’était différent effectivement. Je voulais voir l’autre pays des glaces, celui avec la vie. Car au Nord, sur la banquise, on n’a pas vu beaucoup de vie, mais c’est normal. J’étais attiré par l’Antarctique pour voir les manchots, les baleines à bosses, les oiseaux, les albatros, les fulmars,… On était en Antarctique mais pendant 15-20 jours, on n’a jamais vu la terre ! Et puis on a commencé à voir des tabulaires (ndlr : iceberg très long et plats) en mer de Weddell et ça, c’était la grosse claque. On rentre dans le pays de Gulliver : on retrouvait des dimensions énormes ! On regarde sur le radar et on voit de grosses taches vertes. On se demande d’abord : mais il y a autant de bateaux de pêche dans le coin ? Non, pas possible. Ou des îles ? Non plus. Et on réalise que ce sont des tabulaires…
Oui. Pour moi, c’est une opposition et une chance énorme, à trois ans d’intervalle, d’avoir vu les deux pôles et dans ces 2 saisons opposées. Voir vraiment la nuit, le froid, le côté fantomatique du Nord. Et au Sud la lumière, l’été austral, l’abondance de vie, la terre, ces glaces bleues, ces couleurs incroyables, ces contrastes,… Dans les jours d’été austral que j’ai vécus, j’ai eu des lumières incroyables. Je me rappelle un matin, on est partis à 3h d’un mouillage. Le soleil était bien levé, grande lumière – il s’était couché vers 23h30-minuit, les nuits sont courtes à cette saison. Et cette lumière… la naissance du monde ! Pas une ride sur l’eau, des morceaux de glace partout, la terre autour, des manchots qui partaient pêcher pour leurs enfants… c’est très émouvant d’assister à ça : de voir toute cette vie, ces animaux totalement adaptés à leur environnement, en paix, sans que l’homme soit là à les traquer, les user, les emmerder… Il n’y a pas de prédateurs humains là-bas. C’est un beau sanctuaire, d’une grande pureté.
Je réembarque sur Tara, dans quelques mois. Mais d’ici là, je dois mettre en place une expo photo tirée des images de mon livre. Donc je m’installe quelques mois sur Paris, avant de repartir…
*Le livre de Vincent Hilaire : Nuit polaire, été austral ; éd. MAGELLAN & Cie, 2011 (voir page web)
Pour ceux qui veulent en savoir plus…
Le site de Vincent Hilaire : www.vincenthilaire.fr
Le site de Tara, pour suivre le parcours et l’actualité du voilier : Tara Océans