
Mis à jour le 30 novembre 2018
| Chypre , ile de méditerrannée
Publié le 13 février 2012
Un tampon sur une feuille volante : voilà toutes les formalités pour passer entre le Sud et le Nord de Chypre. Entre la partie grecque reconnue par les instances internationales, et le Nord turc qui a fait sécession depuis 1974. Cap sur l’État fantôme de l’Union européenne.
Tous les matins, c’est le même rituel : des dizaines d’ouvriers franchissent la ligne de démarcation pour embaucher sur les chantiers du Sud. Une immigration économique au quotidien. Essentiellement des travailleurs venus de Turquie continentale. Ainsi, près de 100 000 habitants de Chypre Nord sont titulaires d’un passeport de l’Union européenne : les premiers Turcs à devenir officiellement citoyens européens.
Pour l’heure, je franchis dans l’autre sens la ligne de démarcation, au checkpoint de la rue Ledra, en plein cœur de la vieille Nicosie. En quelques mètres on franchit la zone démilitarisée, une balafre hideuse de maisons éventrées. Un passage en moins d’une minute entre Occident et Orient : animation d’une ville européenne ici, nonchalance d’une bourgade levantine là. Au menu : succulents kebabs et bière Efes avec dans les porte-monnaie, des lira turques.
À travers le bazar, je gagne rapidement l’ancienne cathédrale Sainte-Sophie, où étaient couronnés les rois de Chypre, une lignée française héritière des Croisades qui régna sur l’île jusqu’à la fin du XVe s. Depuis la conquête par les Ottomans, la cathédrale est devenue mosquée, avec ses hauts minarets effilés qui marquent le paysage de Chypre Nord.
Au pied de la statue monumentale d’Atatürk, je rejoins l’alignement des dolmus, ces taxis traditionnels qui sillonnent toute la Turquie. Le temps que la voiture soit au complet, et en route vers Bellapaïs, abbaye de pierres blondes laissée par les Francs, en surplomb du rivage. Moins d’une heure de route, le temps d’engager la conversation avec mes compagnons de voyage. En anglais, une des langues officielles de Chypre.
Chypriotes de souche, mes voisins m’expliquent les injustices dont ils sont victimes. Celle d’avant 1974 et l’intervention de l’armée turque, lorsqu’ils étaient confinés dans des zones restreintes par les autorités grecques de l’île. Celles d’aujourd’hui, alors qu’ils n’aspirent qu’à une réunification, refusée par les Chypriotes grecs. Éternelles complaintes de la méfiance réciproque auxquelles font écho celles des Grecs qui ont vu leurs maisons familiales confisquées en 1974, comme à Bellapaïs.
Rien n’est plus urgent donc que de réhabiliter « l’arbre de l’oisiveté», celui qui s’élançait face aux ruines de l’abbaye de Bellapaïs et sous lequel l’écrivain Lawrence Durrell assistait aux palabres interminables entre villageois, Grecs et Turcs confondus dans le même plaisir de l’échange.
En attendant, il est l’heure pour moi d’aller me régaler à l’une des meilleures tables de l’île, le Bellapaïs Gardens, sur une formidable terrasse face à la mer.
Vous connaissez Chypre ? Racontez-nous dans la partie commentaires…
Vous aimez Chypre ? Lisez aussi nos articles sur les saveurs chypriotes et la randonnée à Chypre.
Et découvrez notre auteur Serge Bathendier dans une interview 100 % chypriote.
Chypre
15.90 €
Voir le sommaire
Voir la carte de situation