
Mis à jour le 9 janvier 2020
| Madagascar
Publié le 20 septembre 2013
Dans l’océan indien, Madagascar est une île-continent, plus grande que la France. Où l’aventure est au coin de la piste. Récit de mes tribulations, entre Manakary et Tuléar, via Fort-Dauphin. Au bas mot plus de 1 200 km en 8 jours dans le Grand Sud cet été.
Sur les pistes du sud ou de l’est de l’île rouge, vous allez découvrir les taxis-brousse de…brousse. Ce sont des camions, le plus souvent de marque Tata. D’où leur surnom. Dignes de figurer parmi les antiquités d’un musée de l’automobile, ces Tata feraient presque passer les taxis-brousse qui circulent sur le macadam de la N7 malgache pour des limousines grand luxe. Avec eux, il y a une seule chose dont vous pouvez être à peu près certain : l’heure de votre départ (et encore).
Autre certitude : il y a toujours de la place, là où un Européen, normalement constitué, jurerait qu’une souris ne pourrait embarquer. Dans ces conditions, s’installer dans le véhicule relève du grand art. Il faut apprendre à se carrer sur une seule fesse, exercice dans lequel le Malgache est passé maître. Dans ce type de contorsions, le vazaha (l’étranger), lui, s’illustre par une rare maladresse. Mais le voyage va vous coûter une poignée de pistaches (cacahuètes, peanuts si vous préférez). 36 000 ariary – la monnaie malgache – pour un Fort-Dauphin/Tuléar, soit un peu plus de 12 euros pour 650 km.
Il est une autre place, très aérée : sur le toit. Avec les bagages pour (épais) matelas. Au fait, la législation en vigueur stipule que les marchandises ne doivent pas dépasser 80 cm de hauteur sur le toit, chaque passager n’ayant droit qu’à 30 kilos de bagages. Cela relève du vœu… pieux. Madagascar a d’autres chats à fouetter. Tout aussi inconfortable est la position de « l’ouvreur », en équilibre sur le marchepied arrière, cramponné à quelque poignée. C’est l’auxiliaire du chauffeur. Au moindre problème, ensablement en vue ou passage rocheux, il saute du camion pour « ouvrir » la piste, guider le conducteur.
« Finalement, un 4×4, c’est pas si mal », m’a convaincu Olivier, qui a tenté l’expérience de ces camions-brousse et juré, un peu tard que l’on ne l’y reprendrait plus. « J’étais couvert de bleus à l’arrivée ». Départ à l’aube de Manakary, sur la côte est, entre girofliers et rizières. Premier arrêt prévu à Ivato-Savana, 70 km plus loin au sud. Cette ancienne capitale d’un royaume antaimoro au XVIe s. héberge encore les tombeaux de ses princes.
À Vohipeno, il faut s’engager à gauche sur une mauvaise piste, boueuse à souhait. Et première surprise : une barrière de péage, où il faut s’acquitter de 2 000 ariary, 68 centimes d’euro. C’est notre contribution à l’amélioration de la piste…Un reçu en bonne et due forme nous est délivré !
Notre arrivée à Ivato ne passe pas inaperçue. Le tam-tam malgache fonctionne bien. Les vazaha sont invités à entrer dans ce qui fait office de « mairie » pour le fokontany (village). Nous avons droit à un beau morceau d’anthologie dans l’art du kabary (discours), art où l’on fait assaut de politesses, de formules enrobées. D’où il ressort que nous devons demander une autorisation pour visiter les tombeaux royaux, autorisation que l’on peut nous fournir néanmoins immédiatement.
Aussi sec, notre secrétaire de mairie s’attelle à une vieille Remington à bout de souffle, prend un papier carbone. Sous nos yeux, il concocte cette autorisation écrite, requise « par les temps qui ont changé ». Ah ? L’exercice est laborieux. Mais notre homme en vient à bout, et, triomphant, appose sur le document final quatre tampons différents. Je suis, sidérée. Courteline sous le tropique du Capricorne…
On commence à deviner que tout cela va avoir un coût : 6 000 ariary, soit un peu plus de 2 euros. Presque autant qu’un acte de naissance, les tarifs étant affichés au mur de la mairie. Mais pas question, même avec l’autorisation, de visiter les tombeaux sans être présentés au nouveau roi. Nous protestons : il n’est peut-être pas nécessaire de déranger un aussi éminent personnage pour d’aussi modestes visiteurs (pardon, Hachette !). Notre greffier soupire. Il faut donc tout leur expliquer à ces vazaha ? « Vous ne pouvez repartir sans graisser la patte du roi ». Texto. Dans un argot impeccable.
Un fou-rire inextinguible, sacrilège, nous secoue. Nous allons nous retirer en bon ordre, renonçant à cet honneur insigne, une audience royale, et par conséquent aux tombeaux. Trop de piste nous attend. Nous avons pris notre première leçon de savoir-vivre malgache. Sur la piste, dans le Grand Sud, on ne s’aventure pas sans le viatique de base : du toka gasy. Du rhum local pour simplifier. Le rhum que l’on offre en libations, quelques gouttes, sur le tombeau des ancêtres, avant de laisser le reste aux descendants.
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