20 septembre 2019 | Food & coutumes , Martinique
Par Annie Crouzet
C’est une cuisine métissée, parfumée, enlevée, goûteuse qui utilise la morue dans tous ses états. Une tradition héritée de l’esclavage, ce poisson n’étant pas considéré comme noble par les planteurs. Toute l’histoire de la Martinique se lit d’ailleurs dans l’assiette. Des Indiens Caraïbes par exemple, elle a gardé le goût des plats pimentés et boucanés (fumés), du manioc. Voici quelques spécialités sé an tété dwèt (« à s’en lécher les doigts ») !
Des beignets à se damner
Ces beignets à base de la morue dessalée et effilochée (chiquetaille) sont unes des spécialités incontournables de l’île ! Croustillants à l’extérieur, moelleux à l’intérieur et pimentés, ils ouvrent le repas avec le sacro-saint ti-punch. Á déguster dans l’un des « lolos », ces « ti-restos » sans prétention. Mon préféré ? Man Nita, pieds dans l’eau, sur la plage de Grande Anse (Anses d’Arlet), où l’on pique une tête dans la grande bleue entre deux plats.
Il dit bien son nom
Autre entrée traditionnelle : le féroce d’avocat. Dans un mix d’avocat « pays » écrasé en purée et de morue dessalée puis grillée, ce mix étant lié par la farine de manioc, le fameux piment antillais entre dans la danse. Ce piment habanero, dont les graines vous mettent la bouche en feu, figure parmi les plus piquants au monde. Alors, on se contente d’une pointe au couteau plongé dans une pâte à piments !
La star des mollusques
Vous voilà installé au restaurant et des bruits sourds vous proviennent de la cuisine ? Pas d’angoisse. Le chef attendrit simplement le lambi commandé, au maillet ! Ce coquillage des Caraïbes se déguste grillé, en fricassée, en brochette, en gratin ou en cassolette. Grillé, il est accompagné d’une « sauce chien », pimentée bien sûr. Vous ne trouvez le lambi à la carte des restaurants que lorsque sa pêche, très réglementée, est autorisée (d’octobre à décembre). L’un de nos meilleurs souvenirs pour le lambi ? La Baraqu’Obama sur la plage de Sainte-Luce.
Le plat national
En Martinique, c’est quasiment un plat national ! Bien que son origine soit assez récente. Ce sont les « z’indiens », recrutés sous contrat après 1848, pour remplacer les esclaves rendus à leur liberté, qui ont importé le colombo, dont le nom est emprunté à la capitale de l’actuel Sri Lanka. C’est avant tout un assemblage ensoleillé d’épices, réduites en poudre, tels curcuma, cumin… Chacun apporte sa touche à ce mélange : coriandre, clous de girofle, bois d’Inde (antillais, ce que son nom n’indique pas !), tamarin et j’en passe. Il parfume et enchante poulets, raies, crabes, cochons…
Le roi des food trucks
Les Indiens Caraïbes « boucanaient » – fumaient, enfumaient – la viande pour la sécher et la conserver. En Martinique, le week-end, vous repérez vite sur la route des plages, ces barbecues improvisés, où l’on vous propose ce qui est devenu un must-eat : le poulet boucané, grillé et fumé à la fois. Préalablement et longuement mariné, votre poulet cuit lentement, au-dessus de braises, étouffées sous les branches sèches de canne à sucre et de feuilles de bananier. Résultat ? Un poulet juteux, croustillant, au goût de fumé.
Le caviar de la Martinique
L’oursin blanc, le chadron, se négocie à prix d’or, Lors de sa pêche limitée à quelques jours dans le dernier trimestre de l’année. Les Martiniquais sont prêts à toutes les folies pour trois ou quatre « tet chadwon », où les « œufs » (le corail) d’oursin sont cuits dans les coques au feu de bois. Mais vous pouvez trouver le chadron en fricassée et en blaff (court-bouillon parfumé) et ce notamment à La Perle Bleue dans le bourg de Trois-Rivières.
Une douceur bien trouvée
On l’appelle aussi tourment d’amour, c’est dire ! Sur une pâte brisée, cette spécialité se compose d’une génoise moelleuse, fourrée à la confiture de goyave, de banane, voire de noix de coco (typique de l’île). La confiture est préparée, bien sûr, avec du sucre de canne, qui lui donne sa couleur et un goût fabuleux.
On aurait pu aussi vous mettre l’eau à la bouche avec d’autres spécialités comme les chatrous (poulpes) en fricassée et les balaous frits, petits poissons effilés de la taille d’une sardine. Ou bien vous parler du matoutou de crabes, qui se déguste traditionnellement à Pâques ou du migan, une purée à base du fruit à pain. Mais on vous laisse découvrir, sur place, cette cuisine martiniquaise, haute en couleurs, pleine de poésie avec ses plats créoles au nom chantant.