
Mis à jour le 26 novembre 2018
| Bassin méditerranéen , France , gastronomie , Nature , Traditions
Publié le 2 novembre 2012
Connaissez-vous ce qu’on appelle l’or rouge de Provence ? C’est tout bonnement le safran. Le temps d’un week-end, j’ai découvert les petits secrets de crocus sativus et de sa fleur, fleur dont la cueillette a démarré mi-octobre cette année.
Catherine me tend son panier rempli de petites fleurs mauves, d’où se détachent étamines jaunes et stigmates rouges : celles du fameux crocus sativus. Il s’en dégage un parfum sucré, miellé, limite enivrant. Cueilleuse de safran, c’est un métier ça ? Pas vraiment. C’est un job précaire, qui s’exerce, dos cassé ou un genou à terre, un à deux mois par an, entre octobre et novembre. J’ai essayé …Aïe ! Cela se passe, sinon à l’aube, du moins « le plus tôt possible », car les fleurs doivent être cueillies « fermées ».
« Deux mille fleurs à l’heure, vous ne pouvez pas faire davantage », précise François Pillet, propriétaire au Barroux (Vaucluse) d’une safranière. Quelque cent fleurs vont tout juste suffire pour fournir un gramme de cette précieuse épice, gramme vendu autour de 30 €. L’or rouge n’a pas volé son appellation. « Mais c’est l’épice la plus chère à travailler ! Comptez une heure pour ramasser et cinq heures derrière pour émonder », me précise cet agriculteur atypique, architecte à ses heures. Émonder ? Avec le maximum de précautions, il s’agit de détacher les stigmates cramoisis, trois pour chaque fleur, longs de 25 à 30 mm.
Quelques kilomètres plus loin, près d’Orange, Valérie Marcoup-Ricard fait la moue. « Aujourd’hui, nous sommes à mi-octobre, j’ai eu en tout et pour tout six fleurs. Il a fait trop chaud en mars, la récolte est en retard. La cueillette s’étale sur quarante jours en moyenne ». Compris ! De la famille des iridacées, crocus sativus livre une fleur fragile, éphémère, capricieuse. « Le safran n’est pas une science exacte. Aucune année ne ressemble à une autre », renchérit Marie Pillet, qui avoue parfois scruter avec angoisse la terre, où des petits points blancs signalent une « poussée ».
On l’a oublié : probablement originaire du Moyen-Orient, introduit par les Croisés, le safran fut cultivé de manière intensive jusqu’au XIXe siècle en Provence. Dans cette région, une quinzaine de producteurs se partagent aujourd’hui le marché. Ce qu’ils recueillent ? Peanuts en comparaison de la production mondiale (150 tonnes en 2009 dont 95% à mettre à l’actif de l’Iran). Évidemment, très partialement, je trouve toutes les qualités au safran du Ventoux !
A dose infinitésimale, le safran peut être utilisé lors d’un repas de l’entrée au dessert. Il accompagne à merveille un foie gras ; il réveille un confit de poire, électrise une crème brûlée. « Essayez dans une confiture de fraise. Le fruit explose en bouche », me conseille Pascal Arvicus, autre safranier. Affirmatif !
N’utilisez jamais un safran frais. Pour parvenir à maturité, après séchage au four, il doit rester au minimum deux mois dans le noir ! Choisissez de préférence un safran de catégorie I, qui vous offrira les meilleures qualités aromatiques. Enfin, pour tirer le meilleur parti de cette épice en cuisine, il faut réhydrater les stigmates avant emploi. Et pour ce faire, les piler ; ensuite, rajouter un peu d’eau chaude bouillante (ou quelques centilitres d’un bouillon de cuisson) et laisser infuser une demi-journée.
Où dormir ? Dans une safranière ? Aucune hésitation : L’Aube Safran au Barroux (Vaucluse). Autre adresse sympa le temps d’un week-end et en mode écolo : la résidence Les Florans à Bedoin (Vaucluse), où l’on peut disposer de vélos électriques pour explorer la région.
Où manger ? Le Dolium à Beaumes-de-Venise (Vaucluse). Ouvert tous les midis sauf mercredi et le soir uniquement vendredi et samedi. En novembre, un menu safran époustouflant, de l’entrée au dessert ! 40 € et 50 € avec fromages.
Visiter une safranière. En général, la visite se cale avec un Office de tourisme, celui d’Orange ou celui de Carpentras. On peut même vous proposer de participer – modestement – à la récolte, mais à une heure « décente » dans la matinée. Mais vous pouvez contacter aussi directement des safraniers en allant sur l’Annuaire du safran, sur le site Iris Bulbeuses ou sur le forum des safraniers français. A Entrechaux (Vaucluse), L’or rouge des 3 rivières en organise par exemple sur demande. C’est 10 € pour 2 h de visite avec petite dégustation safranée, mais 5 € via le site Bienvenue chez vous.
Où en acheter ? A Paris, vous trouverez du safran du Ventoux dans une épicerie fine comme La Crémerie en conditionnements d’1 g (33 €) et 5 g (155 €).