
Au plat pays de Brel, il y a Bruxelles, la belle Européenne, Bruges et ses charmants canaux. Il y a aussi Anvers ou plutôt Antwerpen, cité cosmopolite qui a plus d’un tour dans son sac.
Malgré sa petite taille, Antwerpen a beaucoup à offrir au visiteur curieux. Impossible de tout voir en 48 heures. En week-end dans la première ville de Flandres, il me faut donc faire des choix. A regret, je fais une croix sur le musée royal des Beaux-Arts et sur les collections de Mayer-Van-den-Bergh pour me concentrer sur quelques incontournables. Je commence mon tour de la ville par la cathédrale Notre-Dame (Onze-Lieve-Vrouwekathedraal). En flânant dans le centre-ville, impossible de la manquer. Sa tour compte parmi les plus hautes d’Europe (123 m) et sa belle façade gothique, d’un blanc immaculé, se voit de loin. Bien que la construction de l’édifice ait pris plus de 169 ans, la cathédrale a miraculeusement conservé une grande unité stylistique. L’intérieur, tout aussi élégant, abrite de très belles peintures du maître incontesté d’Anvers, j’ai nommé Paul Rubens.
Parlons de Rubens, justement. L’artiste a passé la plus grande partie de son existence à Anvers et semble avoir inondé la ville de ses œuvres. Ce n’est pas moi qui m’en plaindrait. D’autant que sa belle demeure bourgeoise (La maison de Rubens, Rubenshuis, Wapper, 9-11), presque un mini-palais, compte parmi les plus attrayantes de la ville. On est loin du cliché de l’artiste souffreteux et crève la faim. La ville a entièrement reconstitué le cadre de vie du grand homme. Entre la façade baroque de l’atelier, la salle à manger tendue de cuir, les lits en alcôve, le grand atelier et ses collections personnelles (Rubens possédait près de 300 tableaux ! Mais rassurez-vous, seuls quelques-uns sont exposés), on en prend plein la vue. Sans oublier le beau jardin Renaissance, qui servit d’ailleurs de décor à plusieurs de ses œuvres.
Après une pause déjeuner en terrasse – contrairement à ce qu’on pourrait croire, il ne pleut pas tous les jours en Belgique ! –, je m’offre une après-midi shopping. Faute de pouvoir m’acheter l’une des parures de diamants exposée dans la vitrine des diamantaires, l’une des spécialités d’Anvers, je me rue sur les boutiques design et décalées qui peuplent les artères de la ville. Je rêve un instant devant les enseignes très recherchée de la « bande des six ».
La bande des six, pour la petite histoire. Dans les années 80, ces six talentueux étudiants, diplômés de l’Académie des beaux-arts de la ville, ont révolutionné la mode belge. Anne de Meulemeester et Dries Van Noten, pour ne citer qu’eux, jouissent aujourd’hui d’une renommée internationale. Si le sujet vous passionne, rendez-vous au MoMu (Modenatie, Nationalestraat, 28). Jusqu’à début 2014, le musée propose une belle exposition thématique, « 50 ans Département de Mode Anversois ». Cette exposition s’inscrit dans le programme du Musée des beaux-arts qui célèbre le demi-siècle de son département mode dans toute la ville. Au MoMu, on admire notamment les photos des défilés très inspirés des étudiants en fin de cycle.
Heureusement pour moi, les boutiques plus accessibles sont tout aussi design et décalées que leurs grandes sœurs. Je flâne dans les boutiques du quartier des beaux-arts pour découvrir de belles et vastes enseignes. Créations textiles, certes. Mais aussi design, sculptures abracadabrantes et installations d’art contemporain, comme ces deux mannequins au visage dissimulés sous un masque à gaz.
Le lendemain, l’éditrice et passionnée de bouquins qui sommeille en moi ne résiste pas aux appels insistants de la maison d’un célèbre imprimeur, le musée Plantin-Moretus (Vrijdagmarkt, 22-23). Contemporain du maître flamand, l’imprimeur français Christophe Plantin s’établit à Antwerpen en 1546. Là, il fonde son empire de papier. Prospère, l’imprimerie se développe de génération en génération. A l’aube de la révolution industrielle, la famille Plantin-Moretus cesse pourtant son activité et revend l’entreprise à la ville. De ce fait, on admire encore aujourd’hui l’imprimerie telle qu’elle était au XVIIe siècle. Les belles presses en bois, classées au Patrimoine mondial de l’Unesco, sont les plus anciennes au monde. Outre le processus de fabrication du livre, on découvre de magnifiques manuscrits édités par la maison (collection de Bibles, cartes et surtout, les premiers atlas).
Je profite d’une belle éclaircie pour me promener le long des berges du fleuve. Au bout du chemin, le MAS (Museum Aan de Stroom, Hanzestedenplaats) me tend les bras. La seule architecture du lieu vaut le détour. Elle s’inspire très largement du « design » des containers utilisés sur les docks. J’entre dans ce beau cube rouge et monte sans m’attarder jusqu’au dernier étage. A chaque nouveau palier, les larges baies vitrées ondulées révèlent un autre visage de la ville. Là haut, la vue est superbe. Si l’histoire d’Anvers vous intéresse, attardez-vous dans l’une des salles en redescendant. Sinon, filez boire un verre au café Storm (au rez-de-chaussée) ou attablez-vous à la terrasse de l’un des restaurants branchés autour de la place.
Avant de prendre la route du retour, je fais un crochet par l’étonnant quartier Art Nouveau d’Anvers, le Zurenborg. Situé à l’est de la ville, près de la gare de Berchem, il concentre une quantité impressionnante de maisons Art Nouveau. Au début du XXe siècle, des notables anversois, dont le sénateur John Cogels et sa femme Isabelle Oys, achètent d’importantes parcelles agricoles pour y construire un quartier résidentiel. L’Art Nouveau est alors en vogue et ces bourgeois aventureux confient la réalisation de leur nouvelle demeure à des architectes tels que Joseph Bascourt, Jules Hofman ou Émile Van Averbeke. Le résultat ? Un étonnant « triangle d’or » où l’on se promène le nez en l’air, en s’extasiant à chaque pas devant la façade des maisons, un bow-window orné de motifs végétaux ou des cariatides supportant un balcon. Loin de s’être métamorphosé en musée architectural, le quartier est encore très vivant, même un dimanche après-midi. Je ne pouvais rêver mieux pour conclure cette échappée anversoise.
Imaginez une rue bordée de maisons dans ce style. Multipliez par 3 ou 4 avenues. Vous obtenez le triangle d’or.
© L.Didry
Photo à la une : © L.Didry
Terres de France
le 24 octobre 2013 :
Je suis passé par Anvers dernièrement, sans m’arrêter, votre article m’a donné envie de réparer cette erreur.